Développer le bien-être au travail, telle est la devise des organisations sans patron, qui désirent innover dans un système de management réduit. Un tel changement des mentalités, qui laisse toute la place au savoir-faire et au savoir-être, est-il bénéfique à l’organisation? Quelles sont les limites du bien-être au travail?
par Sandra Dumais
Peu répandu dans le monde, mettre en place un modèle d’organisation axé sur une culture libérante est un défi de taille. Ces défis ont été relevés entre autres par Régitex; Starbucks; Burberry; Harley-Davidson; Michelin; Airbus. L’impact de ce changement : un système-client plus satisfait des services et des produits reçus, ainsi que des équipes de travail pleinement engagées envers un but commun et responsables du développement de leur plein potentiel.
Le changement des mentalités
Bannir les titres dans les organisations et les comités de direction pour donner le pouvoir à des équipes de travail n’est pas une mince affaire. C’est un changement radical qui se répercute dans tous les secteurs de l’organisation :
Bénéficier du potentiel de chacun
Cette nouvelle structure comporte plusieurs avantages. Elle permet d’utiliser pleinement les idées innovatrices des membres et de favoriser leur engagement. Chacun des membres est encouragé à développer son potentiel au grand bénéfice de l’organisation, tout en respectant les valeurs et les aspirations professionnelles de chacun.
Transformer les échecs en apprentissage
Dans l’organisation conventionnelle, le système pénalise l’échec pour l’employé. Après quelques erreurs, il est pointé du doigt; réprimandé; rétrogradé ou congédié. Dans une organisation où règne la collégialité, tous les membres participent ensemble aux décisions d’équipe et apprennent selon un mode essai-erreur. Ils bénéficient des multiples talents détenus dans l’organisation; de l’expérience et des connaissances du système. Tout est mis en place pour permettre à chacun de s’engager dans un processus d’évolution professionnelle à l’intérieur des objectifs organisationnels.
Les anciens patrons et les anciens responsables RH
À cet effet, les anciens responsables des responsables humaines délaissent leur rôle décisionnaire et disciplinaire au profit de celui de coach pour les individus et les équipes. Ils les conseillent relativement aux différents défis qui leur ont été délégués : le recrutement; la gestion des conflits et des congés. Ils les accompagnent également au besoin lors des prises de décision; lors de la composition des équipes multidisciplinaires; lors de l’attribution des rôles des membres et en formation continue.
Même si la nouvelle structure fait généralement l’unanimité, elle ne convient pas à tout le monde. D’anciens patrons qui privilégient l’importance d’exercer leur autorité ont préféré quitter l’organisation pour retourner à un modèle d’organisation vertical.
Recruter le personnel-clé
Dans ce modèle évolutif d’organisation du travail, l’acquisition d’un personnel-clé adapté à la culture libérante nécessite des habiletés particulières, lui permettant de contribuer activement à la performance d’une ou de plusieurs équipes. En voici quelques-unes :
Les avantages et les inconvénients
L’organisation sans patron permet à tous les membres de l’organisation de vivre dans un environnement où règnent le respect; l’écoute; le partage; l’entraide; la reconnaissance et le climat de travail positif.
En abolissant les rôles, la lutte pour le pouvoir est abolie, mais peut laisser place au contrôle permanent exercé par des membres sur les autres. En ce sens, des règles clairement établies sont nécessaires pour prévenir et gérer les conflits pouvant survenir entre les membres.
Des problématiques sont à prévoir : en déléguant autant de responsabilités chez les membres, le succès de cette structure dépend de la volonté des collaborateurs; des anciens patrons et de l’ancien responsable RH de se montrer disponibles et engagés envers les membres. Il dépend également de la perception de ces derniers envers les véritables objectifs de l’organisation qui motivent la réduction du management.
Il est important que l’ancienne direction fasse preuve de transparence et d’authenticité, afin de permettre le succès de l’entreprise sans patron.
Quelques chiffres
En se basant sur l’indice du capital humain (s.a, 2002), la collégialité améliore le rendement financier de l’organisation. D’après une étude effectuée sur 750 entreprises en Amérique du Nord et en Europe, l’implantation de pratiques en ressources humaines axées sur la souplesse du milieu de travail et la souplesse des conditions de travail crée une valeur ajoutée de 9% sur l’indice du capital humain. Si on considère que l’ensemble des meilleures pratiques en ressources humaines (rémunération globale, recrutement et fidélisation des employés, communications, technologies ciblées) totalisent un avantage de 47% sur le même indice, la collégialité mérite d’être positionnée en tant que modèle performant d’organisation du travail.
Sources
(s.a, 2002). Des pratiques ressources humaines payantes, Ordre CRHA. https://ordrecrha.org/ressources/TBD/2002/10/des-pratiques-ressources-humaines-payantes
Cordier-Chemarin, V. (2018). Réinventer les organisations sans hiérarchie. https://ordrecrha.org/ressources/revue-rh/volume-21-no-2/reinventer-les-organisations-diriger-sans-hierarchie
(s.a, s.d). Le cas Régitex : L’entreprise réinventée, sans patron et libérante, Revue RH, vol. 20 #4, novembre décembre 2017.
(s.a, s.d). L’entreprise éclatée. www.memoireonline.com/10/08/1599/m_l--entreprise-eclatee0.html